Sur la Petite Seine, entre Montereau et Nogent-sur-Seine, Voies navigables de France (VNF) prévoit de remplacer en 2016 les éclusiers par un poste de téléconduite centralisé. Pour VNF, cette automatisation permettra d'élargir les horaires d'ouverture des écluses de 10 heures actuellement en semaine à 14 heures . Pour les éclusiers, l'automatisation est "
la négation même de leur savoir-faire et la porte ouverte aux accidents."
Depuis son arrivée il y a quelques mois, Daniel Bascoul, directeur adjoint chargé d'infrastructures à la Direction territoriale Bassin de la Seine a pris la mesure de l'inquiétude des agents. Mais pour lui, la téléconduite est indispensable à l'avenir de la voie d'eau : "
Nogent est très actif industriellement et le port monte en puissance depuis 2005. Si on ne répond pas aux attentes des chargeurs, qui demandent des horaires d'ouverture plus larges, ils vont se fatiguer et ce serait dommage quand le projet de mise au grand gabarit de la liaison Bray-Nogent avance". Quant à employer davantage de personnel, "
impossible, VNF, comme tous les établissements d'Etat, est soumis à des restrictions budgétaires".
Les éclusiers, destinés à devenir des "pupitreurs", ne remettent pas en cause ces arguments. Mais ils leur opposent leur crainte d'écluses déshumanisées. "
Une telle gestion avec pour seul regard les yeux des caméras, pour seul contact une voix sans visage, amputée de bras pour intervenir, dépourvue de main pour saluer, va provoquer de sérieux bouleversements" dit un tract diffusé sur la voie d'eau. Logés sur leur écluse, fins connaisseurs de la rivière, les éclusiers craignent autant la perte de leur savoir-faire que le bouleversement de leur vie quotidienne. Ils sont soutenus par les mariniers, comme le montre un sondage mené aux écluses. 66 mariniers sur les 66 consultés ont répondu "
non" à la question "
Pensez-vous que la téléconduite va améliorer le service ?". 62 ont coché la case "
la téléconduite va augmenter les incidents et pannes sur les ouvrages".
Fin mars, les agents des sept écluses concernées ont soumis un projet alternatif. "
Nous sommes en train de l'étudier, indique Daniel Bascoul, mais il implique des travaux supplémentaires peu compatibles avec une mise en service de la téléconduite début 2016".