Il suffit de peu de choses finalement pour prendre conscience que le monde qui nous entoure n’est pas forcément celui qu’on voit quotidiennement. Ainsi depuis 20 jours, et peut-être plus particulièrement ces derniers jours où de plus en plus de personnes se précipitent sur le passage de
Nathalie Benoit, on prend conscience qu’une grande partie d’entre elles sont des éclopées de la vie, qui ne demandent qu’à vivre en symbiose avec les autres, les "valides". C’est justement cette prise de conscience, ce réveil aux autres, que la championne déclenche sur son passage.
Ce matin, la camionnette jaune de La poste s’est arrêtée comme les autres jours devant une maison. La postière est sortie de la voiture et allait mettre une lettre dans la boîte, lorsqu’elle a aperçu l’habitante des lieux et a traversé le jardin pour lui remettre l’enveloppe en mains propres. J’observais la scène depuis le poste de pilotage du Vision, en hauteur, dans un silence à peine troublé par le bruit étouffé du moteur. Rien que de très banal, pensez-vous. Oui. Sauf un détail. La dame dans la maison était en fauteuil roulant.
Ces petits gestes ordinaires créent du lien entre nous tous. Ce pour quoi Nathalie se bat, c’est pour qu’ils deviennent aussi communs que de tenir une porte à une femme, de faire attention à un enfant, ou d’éviter que l’autre ne se trouve dans une situation inconfortable. En résumé, de faire attention aux autres, particulièrement s’ils ont des difficultés à se mouvoir ou à s’exprimer. Si vous pouviez vous aussi être témoin du temps qu’elle consacre sans compter à écouter ceux-là à ses arrivées, avant même d’aller prendre une douche après sa journée d’efforts intenses, alors vous comprendriez pourquoi la descente sur 1000 km des canaux et rivières de France a un sens qui dépasse de loin l’exploit sportif, tout grand qu’il soit.
Ce soir, nous sommes arrivés à Écuisses-Les Sept Écluses, dans la banlieue de Montchanin (Saône-et-Loire), 466 km et des poussières après Paris. Autant dire que nous sommes près de la moitié du trajet. Et, bonne nouvelle, les abeilles, qui avaient déserté le pont supérieur depuis 2 jours sont revenues ce matin. À Écuisses, nouvelle réception très locale et complètement émouvante de gentillesse des habitants et des enfants qui scandaient «
Al-lez-Na-tha-lie ! » sur le bord des 4 écluses qui en étaient 7 au siècle dernier.
Tout ceci, magnifiquement expliqué par Guy Médalle, l’animateur du
musée du Canal d’Écuisses. Installé à l’intérieur d’un automoteur Freycinet posé sur l’herbe d’un jardin au bord de l’une des anciennes écluses, ce musée à la gloire du canal et des ses habitués est un endroit magique où les souvenirs des mariniers d’antan prennent vie. Et aussi une excellente façon de joindre les visages des gens simples d’autrefois à ceux d’aujourd’hui. Ils n’ont pas tellement changé, finalement…
Jean-François Macaigne (POUR FLUVIAL)