Il y a le Rialto, le Ponte Vecchio, le Golden Gate, et le pont-canal de Briare. Au moins. Aussi magnifique qu’incongru au milieu de toute cette verdure, comme si on avait déplacé le pont Alexandre III de Paris à la campagne, merci Alphonse Allais. Le pont-canal n’est pas en plein cœur de Briare (Loiret). Il est un peu excentré, comme une belle qui ferait des manières. Et c’est ce pont-là que nous avons traversé, à l’heure où les péniches-hôtels font admirer les beautés de la France aux yeux écarquillés de touristes venus de l’autre bout du monde. Surprise ! Aujourd’hui, ils ont vu passer un aviron manié par une jeune femme en maillot rose, suivi par un bateau qui ressemble, c’est vrai, plus à un camion d’assistance de voiture de course qu’à une vedette conçue pour le tourisme fluvial. Nous leur avons expliqué ce qui se passait, et eux aussi se sont mis à applaudir et à encourager
Nathalie Benoit.
Sur le pont du "
Vision Le Boat", TV5 tournait la scène pour une émission santé. Nous sommes passés devant, puis Nathalie a traversé en solitaire. À l’autre bout, la nacelle des pompiers, garnie de caméras, filmait la scène. Inoubliable.
À quelques kilomètres du pont, nous avons fait l’arrêt au stand à la base Le Boat de Châtillon-sur-Loire. En moins d’une heure, Peter, le maître des lieux, a fait le plein (cela devenait vraiment nécessaire) et vérifié les niveaux, et Marie a nettoyé les chambres et changé le linge. Je ne pensais pas cela possible en si peu de temps. Le Vision est reparti sur le canal latéral à la Loire avec des douches immaculées, et comme un ronronnement de plaisir sous le capot moteur.
Nous avons rejoint Nathalie qui avait pris un peu d’avance avec son escorte de pompiers plongeurs à Beaulieu-sur-Loire, terme du jour, au moment où la fanfare attaquait un vieil air sudiste américain. Madame la maire était là, l’état-major des pompiers aussi, ainsi que toute une foule d’admirateurs, valides et handicapés. À la voir avaler les kilomètres comme cela, on oublie un peu qu’elle le fait uniquement à la force des bras. Cela force l’admiration de tous ici.
Et quand je dis tous, je pense à cette petite fille pas bien haute et très timide, qui s’est approchée du fauteuil roulant de Nathalie et a demandé en rougissant :
«
Combien de kilomètres vous faites par jour ?
- Entre 25 et 30, ça dépend des jours.
- Et vous allez faire 1 000 km ? »
Nathalie a eu à peine le temps de répondre que la petite fille aux grands yeux bleus s’est sauvée, effarée. On compte juste très tôt, dans les jeunes générations…
Jean-François Macaigne (POUR FLUVIAL)