Une pratique oubliée ? Ce n'est pas si sûr... Quand Nick Gray retrouve
un vieux cliché sur lequel il aperçoit un marinier debout sur son bachot, et remorquant une bassine avec, en son milieu, une bougie allumée, il se rappelle une très ancienne croyance : Selon elle, pour retrouver le corps d'un noyé, il suffirait de tracter derrière soi une sébile qu'on laisse flotter avec un cierge planté dans une miche de pain bénie. Le cierge s'éteint dès qu'on passe au dessus du corps...
On peut douter de l’efficacité de la pratique, mais pas de sa longue existence car, on le sait, les traditions ont la vie dure chez les gens de l'eau. Et Guillaume Kiffer nous signale que cette étrange superstition faisait encore parler d'elle en février 1959.
Le quotidien "Nord-Éclair rapportait qu' "
après l’échec des recherches des sapeurs-pompiers plongeurs, les parents d’une jeune fille tombée dans une écluse de la Deûle eurent recours à cette tradition ancienne"...
Des Canadiens de l’Ontario français en parlent eux-aussi :
"Ça faisait sept jours qu'un pauvre diable s'était noyé. On a pris une miche de pain bénie sur laquelle on a mis des chandelles. Ensuite, on l'a lâchée dans le courant. Elle s'en et allée tout droit jusqu'au pied de la chute. Puis elle s'est arrêtée et on a repêché le corps avec une gaffe"...
Plus étonnant encore, Annette Pinchedez raconte dans son ouvrage «
Croyances et Coutumes des gens de rivières » que cette croyance est
à l'origine d'un des plus dramatiques incendies de Paris, en avril 1718. Une pauvre femme dont le fils venait de se noyer, avait mis à l'eau un cierge allumé dans une sébile. La bassine avait dérivé un moment avant de venir s'arrêter contre un bateau de foin amarré au quai de la Tournelle.
Pour éviter que la barge enflammée ne mette le feu à leurs bateaux, les mariniers voisins l'avaient aussitôt détachée et elle était venue s'encastrer sous les poutres du Petit-Pont, aux pieds de la cathédrale Notre-Dame. Les maisons construites sur le pont - comme c'était la coutume à l'époque - étaient parties en fumée et l'incendie s'était rapidement propagé alentour.
C'est à partir de ce terrible fait divers qu'il fut interdit de construire sur les ponts...