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Murmure en détail

Courrier des lecteurs
Réflexions autour de la liaison "Saône-Moselle" : "...Et Rhin-Rhône ?"
01 juillet 2010 - 13:40

Notre rédaction a reçu plusieurs courriers de lecteurs portant sur l’article "Canal Saône-Moselle : point d’étape", publié dans le numéro 202 (mai 2010).

La revue n’ayant pas pu accueillir toutes ces réflexions, nous vous proposons de les lire en ligne.


Courrier 1 :

Fervente défenseure du fluvial, pour l’intérêt économique et écologique que ce moyen de transport de marchandises permet, j’ai bien entendu porté un très vif intérêt à l’article paru dans votre revue à la rubrique Infrastructures, intitulé : "Canal Saône-Moselle : point d’étape".

Je souscris bien évidemment à tout l’argumentaire développé par Messieurs Rossinot, Dalaise et Le Moine sur l’intérêt économique que peut recéler une voie d’eau à grand gabarit, notamment au regard de l’aménagement du territoire, de l’interconnexion avec le réseau européen existant et de l’amélioration de l’axe de transport Nord-Sud.

Néanmoins l’évocation de la « sanctuarisation du Doubs » semblant disqualifier de facto une liaison fluviale Saône-Rhin, procède d’une approche partielle, partiale et inexacte. En effet les termes de la loi dite Grenelle I du 3 août 2009, à laquelle j’ai activement participé, n’infèrent aucunement cette disqualification. De plus les résultats de l’étude socio-économique menée par le conseil général du Haut-Rhin et de nombreux partenaires conservent la pertinence d’un tracé par le Doubs. Il appartient désormais à l’étude technique et environnementale d’aborder plus précisément la question des tracés et de les mettre en concurrence sur des critères techniques et naturellement environnementaux.

Affirmer que pour un maillage du réseau moderne une liaison est prioritaire est péremptoire ou du moins éminemment prématuré. C’est justement le sens du débat public souhaité, rendre toute la pertinence de la démarche grâce à la force de la comparaison. Le débat en sera renforcé et le fluvial y gagnera en lisibilité pour l’ensemble de la population. Dans cette perspective, il ne pourrait s’agir d’un combat fratricide, mais bien au contraire d’une émulation saine dont l’objectif majeur reste de réaffirmer tout l’intérêt d’un réseau fluvial français complet en interconnexion avec le réseau européen.

À l’instar de l’article précité, une démarche éditoriale similaire donnant un éclairage sur une liaison Saône-Rhin et fixant également un point d’étape pourrait être envisagée dans l’intérêt de vos lecteurs et plus globalement dans l’intérêt du transport fluvial français en cohérence avec une parfaite probité intellectuelle (…).

Françoise Branget, député du Doubs,
secrétaire de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

 
Courrier 2 :

Abonné de la première heure, j’ai suivi à chaque numéro et avec plaisir l’évolution de "notre" mensuel, qui de jour en jour fait autorité en matière d’information d’un public sans doute attentif à l’éminence, enfin, d’un mode de transport, loin d’être obsolète comme certains ont voulu le faire croire, ceux, pour partie, qui n’hésitent pas aujourd’hui à le qualifier le "moderne".

Concernant l’article "Saône-Moselle : point d’étape" de M. Philipe Ménager, publié dans le numéro 202 (mai 2010), mon passé de marin - d’eau salée et d’eau douce - m’ayant donné l’opportunité de commander un fluviomaritime pendant presque 6 ans m’autorise à réagir sur son contenu. Une carrière portuaire de 20 ans à Marseille et plus précisément à Fos, m’a ensuite confronté aux impératifs du trafic fluvial, qui avait connu, avant la création de ce grand complexe, une vitalité exemplaire, malheureusement mal soutenue par des programmes de pré et postacheminement du fret privilégiant le Fer puis la Route, évolution correspondant à la grave crise qui a inopportunément affecté la voie d’eau.

Je ne peux en effet que m’inquiéter d’un article délibérément axé sur la liaison Saône-Moselle et concentré sur une vérité unique. Le « chaînon manquant » n’est pas une trouvaille des Lorrains, même s’il est tout à leur honneur de défendre un projet qui correspond à une logique de développement économique des régions par la voie d’eau.

En effet, pour connecter les bassins du Rhin et du Rhône, il existe une autre liaison, beaucoup plus stratégique et opérationnelle : Saône-Rhin. Cette liaison par la vallée du Doubs devrait être en service actuellement, si elle n’avait été arbitrairement et honteusement sabordée en 1997.

Dans la démarche des Lorrains, justifiée en soi, je vois surtout une priorité beaucoup plus régionale qu’il n’y paraît (la« vision d’aménagement du territoire »que pointe M. Dalaise), alors que la liaison Saône-Rhin procède d’une politique de connexion européenne, donc de l’intérêt commun prôné dans toutes les homélies, même si, au passage, la Franche-Comté et l’Alsace en retireraient des bénéfices. En tout état de cause, tous les programmes ont leur pertinence propre et méritent considération.

Ainsi les mots ont leur importance, tous les mots. Je conçois que l’auteur du texte n’a fait que reproduire les réponses qui lui ont été données. Néanmoins, lorsque M. Rossinot assure, en réponse à la 1re question que « …le ministre d’État… a confirmé le lancement prochain d’un débat public portant prioritairement sur la liaison Moselle-Saône… », je ne peux que rappeler que, par d’autres voix tout aussi crédibles et officielles, il s’agira d’étudier toutes les opportunités de liaisons fluviales dans le Grand Est, y compris par le Doubs, que ce soit un canal latéral ou empruntant en partie le cours de la rivière. En l’occurrence le mot « prioritairement » est de trop.

Mais, si on comprend aisément que le maire de Nancy cherche à défendre les intérêts de sa région, on ne peut que déplorer que Monsieur Dalaise, président d’une association nationale, sorte de son rôle et soutienne ostensiblement cette "priorité" de Saône-Moselle.

Plus loin, je m’étonne aussi des propos de M. Dalaise qui prétend donner une leçon d’aménagement fluvial, reprise par M. Le Moine, lequel avance des propos curieusement en contradiction. On devine la cible visée au travers du « Doubs sanctuarisé » ; or, si les projets avancés d’aménagement du lit du Doubs semblent le heurter, c’est que précisément on peut et on sait conserver le caractère naturel d’une voie d’eau à condition, comme cela est prévu, de lui préserver ses caractéristiques environnementales originelles avec ses frayères, ses passes à poissons et ses berges végétalisées, pour ne citer que l’essentiel. Le Doubs aménagé pourrait tout aussi bien apparaître comme un modèle du genre, que l’on pourrait heureusement comparer à un autre exemple, puisqu’il s’agit d’une rivière empruntée par une liaison interbassins actuellement en service : l’Altmühl.

L’idée trop souvent avancée de créer une voie d’eau à grand gabarit pour relier Marseille (Fos) à Rotterdam relève de la pire des inepties. En tout état de cause, ce n’est pas l’objectif : une liaison fluviale n’est pas un canal maritime. Une voie d’eau est un vecteur de transport au même titre qu’une route ou une voie ferrée, il s’agit surtout de créer un grand espace de navigation intérieure en Europe, lequel n’aura de valeur que doté de plateformes multimodales de groupage/distribution.

Or que constatons-nous ?

Il se trouve que paradoxalement, la vallée du Doubs est déjà industrialisée (Dole-Tavaux, Besançon, Montbéliard-Sochaux, Belfort-Bourogne), mais manque de porte de sortie par voie d’eau, tant par l’Est que par l’Ouest.

Les pôles industriels puissants capables de dynamiser une voie d’eau dont tout le monde serait bénéficiaire se trouvent précisément en Suisse et en Allemagne méridionale, autrement dit sur le Rhin supérieur. Un contournement par Coblence représente 1 200 km, autant dire qu’aucun transporteur ne s’y risquera et le Rhin restera en cul de sac. Oublier cette particularité serait commercialement une erreur.

J’observe, en outre, que l’autoroute A 36 est rapidement promise à la saturation, ce qui dénote à la fois une évidente activité liée à un débouché désormais identifié, et l’urgence d’une alternative plus garante de la préservation de l’environnement et de conditions de vie de ses riverains.

En résumé et au risque de me répéter, je pense que le danger réside dans la pensée unique et qu’il est malsain d’afficher des certitudes alors que d’autres voies s’offrent avec leurs pertinences et leurs propres valeurs.

Jean-Yves Alexandre

 
Courrier 3 :

J’ai pu lire votre article concernant la liaison Saône/Moselle, dans votre numéro 202 (mai 2010).

Il semblerait que votre position soit marquée en faveur de cette liaison, et on se pose la question «  pourquoi ? ».

En effet, la liaison Rhin/Rhône est la plus vieille des liaisons, et si cette dernière n’avait pas été arrêtée (…), elle serait faite et exploitée. Je travaille avec le Rhône depuis 45 ans, j’ai entendu parler de la liaison Rhin/Rhône en 1968, initiative de Charles de Gaulle. Cette liaison est la plus importante et, qui aurait du être faite en premier, avant cela on va faire une liaison Seine/Nord, qui, même si celle-ci est utile, donnera un coup de frein très important au développement du port du Havre. Quant à la liaison Saône/Moselle, là aussi il est question de lobbyistes locaux qui souhaitent une liaison, mais sûrement pas une raison économico-logistique. Pour s’en convenir, je vous conseille de bien lire, ou relire, les tenants et les aboutissants, les coûts de ces liaisons et surtout ce qu’elles représentent au niveau économique, et vous vous apercevez que la liaison Rhin/Rhône est de loin la plus performante, c’est la porte ouverte pour le port de Marseille sur l’Europe du Nord et Strasbourg.

Nous n’avons pas le droit d’influencer ou d’induire en erreurs les citoyens contribuables de ce pays. Des études sont en cours, ou vont être entamées, et votre travail c’est de l’annoncer, mais en aucun cas de prendre position. Je n’arrive pas à comprendre comment vous pouvez vous engager dans ce sens, pour un journal privé et indépendant, enfin on le suppose, ou alors serait-ce à cause de vos annonceurs ?? J’avoue que je souhaiterais que vous m’éclairiez sur la qualité de votre article et surtout sur son impartialité, ses sources.

 Pierre Mercier, expert fluvial, conseiller en navigation et en transport fluvial
  • Voies d'eau : SAÔNE-MOSELLE (projet) - Canal RHIN-RHÔNE